Depuis que je suis revenu dans la fumerie, j'ai cessé de souffrir, je vis reclus dans mon palais de mémoire. Les yeux clos, l'embout brûlant entre les lèvres, je vois Jade tel qu'il m'apparut en ce jour lointain, à la grande chasse d'automne, son faucon sur un bras.
Dans les limbes d'une fumerie d'opium, le jésuite Artus de Leys, déserté par la foi, déchiré par l'amour, hésite entre le réconfort de l'oubli et la douleur du souvenir. L'homme qu'il aime n'existe plus que dans son esprit, et pour l'y faire revivre sans cesse, Artus bâtit un édifice imaginaire hérité d'un art antique : un palais de mémoire.
Au fil des « pièces » qu'il y ajoute, il se revoit arrivant en Chine pour former les jeunes lettrés de la Cité interdite à l'invitation de l'empereur Kangxi. Il revisite sa vie parisienne, convoque ses amis d'antan. Il chevauche à travers la Mandchourie au côté de Jade, son élève bien-aimé, prince qu'il initie à l'ars memoriae et à la foi chrétienne. Mais Artus ne peut repousser le souvenir du tour funeste que prendra leur passion, sous peine de voir s'effondrer son palais de mémoire.
À travers ce conte tourmenté, exquis, Élise Fontenaille entraîne le lecteur sur des chemins intellectuels, spirituels et sensuels, dans un voyage hypnotique.
« J´avais enfin quitté la marchande de sommeil, et trouvé pour quelques jours refuge à Vincennes, non loin de la tour où le marquis de Sade passa quelques années chez un ami d´ami parti en voyage, mais décidément Paris m´était impossible : jamais je ne trouverais un bail, personne ne voudrait louer ne serait-ce qu´un studio à un écrivain sans le sou, et surtout sans fiche de paye - le sésame des temps modernes -, il me fallait repartir, au hasard Balthazar, encore une fois. »Forcée de quitter son domicile parisien, Élise, double littéraire de l´auteur, se débarrasse de tout ses biens, y compris de ses livres. Affranchie du matériel, elle vit au jour le jour, s´en remettant à ses désirs, à sa curiosité d´esprit, et à la bonté d´étrangers. Chaque décision devient une épreuve, où l´heureux dénouement le dispute au tragique. D´une bicoque à Saint-Nazaire à une plage guyanaise, d´une marchande de sommeil à un flic-écrivain, d´amitiés solides en relations virtuelles, d´étreintes tarifées aux blessures amoureuses, de nuits à la belle étoile à l´enfermement dans un cloître : Élise va et vient, bousculée par le hasard, débordée par ses choix, chahutée par ses rencontres. Ce livre, écrit sur le fil, comme un numéro d´équilibriste - un fil tendu par l´urgence, la nécessité, et un goût certain du risque -, rend compte magnifiquement de la fragilité de l´existence.
Un dimanche matin glacial de janvier, dans Paris déserté,Eva se rend au commissariat. Elle n'a pas fermé l'oeil de la nuit; Adama a fait le siège de son appartement.
Eva et Adama se sont aimés.
Un amour fou. Une passion compliquée.
Tout les séparait.
Eva est une lle de l'aube plutôt solitaire, Adama, un oiseau de nuit connu du Tout-Paris. Elle est aussi petite, ronde, blonde et blanche qu'il est grand, noir et sculptural. Eva est foudroyée par leur rencontre, émerveillée par leurs différences, fascinée par cet homme sans attaches, qui ne possède rien et semble ne vivre qu'au présent. Mais passés les premiers mois d'aveuglement, le mystère s'estompe pour révéler, derrière sa stupéfiante beauté, une autre facette d'Adama. Adama boit, Adama la trompe, Adama vit des femmes qu'il rencontre, Adama sait-il seulement aimer ?
Élise Fontenaille, à travers Eva, son double littéraire, met à nu le coeur d'une femme amoureuse, incendiée par sa passion pour un pharaon aux pieds nus. Un texte généreux et sans fard, où alternent révoltes et colères mais aussi moments d'intimité empreints d'une profonde tendresse.
Stimulée par le centenaire de la Grande Guerre, Élise Fontenaille-N'Diaye a voulu écrire sur son arrière grand-père, le général Charles Mangin, dit « le Boucher du Maroc », « le Broyeur de Noir(s) », « le Boucher de Verdun »... Alors qu'elle suit ses traces sur le Chemin des dames, avec ses troupes noires, puis après la Victoire dans la Rhénanie vaincue, elle en vient à s'intéresser à l'histoire coloniale allemande et découvre que l'Allemagne avait investi le Sud-Ouest Africain, de 1883 à 1916. Ce territoire, qu'on appelle désormais la Namibie, deviendra le théâtre du premier génocide du vingtième siècle, un génocide oublié, occulté même, car le premier rapport officiel sur la question Blue Book fut soustrait à la connaissance du public en 1926. Si ce livre vise à ranimer le souvenir de cette sombre page de l'histoire du colonialisme, il ne se veut pas un ouvrage de spécialiste. Élise Fontenaille-N'Diaye y livre son point de vue d'écrivain, son point de vue personnel. Quelque part entre le désert du Kalahari et la presqu'île de Shark Island, au large de Lüderitz, s'est déroulée une macabre répétition générale, préfiguration des génocides à venir.